Paul Badura-Skoda
- Dans l'intimité des maîtres | livre d'entretiens
Pousser la porte de Paul Badura-Skoda à Vienne, c’est prendre rendez-vous avec l’histoire. Une histoire séculaire dont les racines, par la double ascendance morave et hongroise du pianiste, enlacent les piliers vertigineux – immortels à ses yeux – de l’empire Habsbourg. Mais une histoire vivante avant tout: la musique essentielle – atemporelle – de Bach, de Mozart, de Beethoven, restituée au plus proche des sources, dans une intimité troublante… et diablement rafraichissante!
Né le 6 octobre 1927, le musicien ne semble pas soumis à la même loi impitoyable du temps qui passe que nous autres mortels: 86 ans au compteur de ces entretiens, il a le verbe vif de ceux qui sont nés sous le signe de la passion et les idées claires comme au premier jour, généreusement étoffées d’une expérience de vie exceptionnelle sur laquelle planent en lettres d’or des noms aussi mythiques que ceux de Wilhelm Furtwängler ou d’Edwin Fischer – son mentor – ainsi qu’une très longue liste de pays, témoin de l’ouverture d’esprit sans limites de ce pianiste qui fut en 1979 le premier occidental à être invité en Chine après la Révolution culturelle.
Histoire, musiciens passés et présents, composition – il est l’auteur de fort belles pages et le dédicataire de deux opus de Frank Martin –, édition, enregistrement – sa discographie, qui prend sa source dans les années héroïques du microsillon longue durée, totalise plus de deux cents titres dont plusieurs intégrales –, instruments – sa collection de claviers historiques est l’une des plus riches de la planète –, enseignement – la transmission trône au cœur de sa démarche artistique –, avenir de la musique: Paul Badura-Skoda se livre ici comme jamais dans un dialogue à cœur ouvert dont la transposition en noir et en blanc ne se veut pas un aboutissement, encore moins un testament, juste un point d’orgue dans une partition monumentale dont la dernière mesure est loin d’avoir sonné. Un intense et fragile moment d’éternité volé à la course inexorable du temps – et Dieu sait si celui de l’artiste est d’une rare densité.
- 2014
- © La Bibliothèque des Arts, Lausanne – collection «Paroles vives»